Les rencontres aussi palpitantes qu’appétissantes — #4
Direction le Suuud (de l’estuaire de la Loire) pour un nouveau moment beau, bien et bon avec Emmanuel, dit Mano, producteur récoltant, qui nous entraîne au coeur des salines historiques de Millac et de leur or blanc !

Métier hérité, métier découvert par curiosité, métier recommandé : comment en es-tu arrivé à devenir paludier ?
“J’ai été dans l’hôtellerie, sommelier et aussi enseignant.
J’ai eu envie de devenir producteur de quelque chose; ça s’est trouvé être de sel et ce n’est pas si déconnant comme transition (oenologie>sel) quand tu penses au rapport des éléments naturels qui façonnent le produit.
J’ai eu envie de devenir producteur de quelque chose donc, mais avec la volonté de ne pas être perdu dans la masse, d’être différenciant, d’où cette installation en Pays de Retz pour (re-)générer un sel de cru !
Le sel ça se goutte, ça se sent et à 200 mètres près c’est différent !

“Avec Nath on a repris il y a 19 ans ces anciennes salines à l’histoire gigantesque qui étaient en friche depuis 1947.
Il faut en effet considérer qu’en 852 ici c’était la Baie de Bretagne et que le sel est le fondement des civilisations !
Faites chauffer de l’eau de mer dans une casserole, vous obtiendrez du sel. Laissez une bassine d’eau de mer au soleil pareil. Sauf qu’à l’époque on a besoin d’une aussi grande quantité que qualité !
Ici, les conditions mer>argile>sel se trouvent réunies. Les gens du pays ont alors constitué un ingénieux système de stockage de l’eau avec ce type de labyrinthe de salines pour faciliter la concentration et la récupération du précieux or blanc.
Le Duché de Bretagne visualise le potentiel et crée un nouveau bourg pour devenir grenier à sel : Bourgneuf, littéralement hein, qui va devenir la capitale internationale du sel du XIV au XVIIe siècle !
Les bateaux germaniques et flottes du nord viennent en nombre dans cette anse : saler la morue, conserver les viandes, désherber les cultures florales hollandaises et les nourrir d’oligo éléments : le sel, c’est la vie, il n’y avait pas les réfrigérateurs d’aujourd’hui !

Au XVIIIe c’est l’envasement de la baie et le début du déclin du site.
Le dernier paludier des salines de Millac rend les armes en 1970.
Chez les voisins guérandais, alors qu’il n’y a plus qu’une quinzaine de paludiers, se propose la création d’une structure fiable afin d’apporter un avenir au métier de paludier : un groupement puis une coopérative naissait, devenant locomotive du sel de l’Ouest. Ca a énormément apporté à perpétuer et démultiplier ce savoir-faire avec la création d’un stage paludier dans les années ‘80, ouvert aux coopérateurs mais aussi aux producteurs récoltants indépendants en puissance.
Formation passé, nous voilà donc quelques années plus tard 2 femmes & 1 homme, à façonner une saline unique à double architecture : une à la guérandaise en hommage & une à la novembourgeoise qui reprend les cotes originelles des salines de Millac
Et c’est d’ailleurs très intéressant quand on compare la cristallisation de l’une ou de l’autre selon les éléments (vent, chaleur,…) !

En tant que client·e, on voit bien le produit fini mais en soi, côté production/récolte, qu’est-ce qui prend le plus de temps ou est le plus difficile ? Une anecdote à nous partager sur un élément que nous ne soupçonnons pas ?
“Clairement la période de préparation des marais (hiver + printemps). Moi ce que j’aime le plus c’est travailler le marais en soi : la réinvention des salines (nettoyage), la réhabilitation des ponts (entretien, habillage d’argile) donc hors saison de production et donc hors récolte estivale !” 😉
Ca donne quoi le “comme un lundi” quand on est paludier ?
“Il n’y en a pas ! Plus de vendredi pré week-end, plus de dimanche soir à prévoir la reprise : paludier, on n’a plus de week-end donc plus de lundi; notre calendrier c’est la nature ! Et c’est une routine sans routine car tout se règle à la main en fonction du temps. ”

Un moment beau, bien et bon à nous partager ?
“Cette visite, chaque visite !
Bien : parce qu’on va passer un bon moment avec ce groupe;
beau avec ce cadre exceptionnel;
et bon avec la nacre de sel par vent d’ouest que je vais vous faire découvrir qui est vraiment une fleur de sel exceptionnelle !
Notre saline est unique au monde de base et on est les seuls à avoir un brevet avec la création de nos infusions culinaires pour aromatiser les eaux de cuisson.”
On se doute qu’il y a un sujet d’assaisonnement : ton dernier repas, ça donnerait quoi ?
“Une côte de boeuf avec de la nacre de sel
accompagnée de vin du Domaine Noëllat !”
Rejoignez Mano tout l’été lors de ses visites des salines, du mardi au samedi à 17h00 et retrouvez tous leurs produits à la salorge et sur leur site et tout bientôt sur la e-boutique de Saveurs Detonnantes !
pour Saveurs Détonnantes